Disparition de Larissa Zakharova

Larissa Zakharova nous a quittés ce samedi 2 mars 2019, à Moscou. Elle a été emportée par la maladie contre laquelle elle s’est vaillamment battue. Elle était âgée de 41 ans. C’est une nouvelle infiniment triste pour nous tous. Nous perdons une chercheuse exceptionnelle, une collègue toujours chaleureuse et souriante, une amie très chère. Un hommage lui sera rendu le mardi 12 mars 2019, à 18h, à l’EHESS, 54 boulevard Raspail, Paris 6e.

Née en 1977, à Leningrad, Larissa Zakharova y débuta ses études universitaires en histoire, tout en apprenant le français. Après un mémoire, au Collège Universitaire Français de Saint-Pétersbourg, sur les réquisitions immobilières après octobre 1917, qui témoignait déjà d’une curiosité et d’une originalité remarquables, elle s’engagea à l’EHESS dans une recherche doctorale sur la mode soviétique durant les années 1960-1970. Loin de se limiter à une histoire culturelle, elle mêla dans ce travail pionnier une approche qui touchait tant à la sociologie, qu’à la culture et à l’économie. Après un séjour post-doctoral à Moscou, elle fut élue maîtresse de conférence à l’EHESS en 2010, sur un projet intitulé « Outils de communication, modes de gouvernement, rapports sociaux en URSS, 1917-1991 ». Membre du Centre d’études des mondes russe, caucasien et centre-européen, elle en devint la directrice adjointe en 2015. Depuis 2017, elle était en délégation au Centre franco-russe de Moscou où elle travaillait à un manuscrit novateur sur les communications en URSS, où se mêle à nouveau histoire sociale et économique.

Son œuvre diverse et multiple témoigne de la richesse de l’héritage historiographique qu’elle nous laisse. Soucieuse de lutter contre les facilités du sens commun sur le soviétisme, L. Zakharova a choisi de déplacer le regard vers des objets nouveaux et originaux pour offrir un regard singulier sur l’histoire de l’URSS. Son œuvre est marquée par la volonté de rendre justice à la vitalité de la société soviétique et des liens entre ses citoyens. Elle posait un regard bienveillant sur les acteurs qu’elle étudiait, invitant à les prendre au mot et à interpréter leurs paroles comme des engagements. L. Zakharova aimait faire preuve d’ingéniosité pour croiser les sources officielles et les documents moins formels issus d’archives personnelles pour documenter cette vivacité du social. A l’unisson de sa personnalité, ses recherches étaient empreintes d’une grande humanité. Parmi les textes majeurs qu’elle laisse, son livre S’habiller à la soviétique. La mode et le dégel en URSS (CNRS Editions, 2011) renouvelle la connaissance de l’URSS post-stalinienne. Elle a aussi coordonné d’importants numéros de revue comme « Le quotidien du communisme : pratiques et objets » dans les Annales en 2013 ou « Communiquer en URSS et en Europe socialiste » (avec Kristin Roth-Ey) dans les Cahiers du monde russe en 2015.

Larissa Zakharova était aussi une enseignante hors pair, très proche de ses étudiantes et étudiants.

Toutes nos pensées vont à ses trois enfants, Camille, Émilie et Ivan ainsi qu’à son mari, Gregory Dufaud.

Alain Blum et Françoise Daucé